17 janvier 2012

Lettre à mon cul

Tu me vois tout à fait mortifiée de devoir m'adresser à toi en ces termes crus et peu amènes, mais parfois, la coupe (taille basse de mon jean) est pleine et un débordement agressif me semble être la seule façon de t'adresser mes doléances. Vois-tu, dans cette relation intime qui nous lie depuis ma plus tendre enfance, j'ai la désagréable impression de n'être qu'un soutien à tes ambitions expansionnistes. Le reste de mon corps, délicatement proportionné, ressemble à un paisible paysage verdoyant aux fleurs ondulant sous une brise printanière, le tout suivant une ligne logique et homogène quand soudain, incongrus, se détachent de cet agencement harmonieux deux monts qui ne sont pas sans évoquer ceux de l'Atlas desquels sont originaires une bonne partie de mes charnus chromosomes.

A l'adolescence, encore naïve et enchantée de mes attributs callipyges, j'arborais un sourire vainqueur de fille ravie d'être dotée de ce que je pensais être un atout. Malheureusement, tu ne tardas point à tomber le masque et à me révéler tes noirs desseins: la conquête, féroce et impitoyable, de mon bassin méditerranéen. J'ai pourtant tout essayé: les régimes, notamment le Dukan-mon-cul-va-enfin-reprendre-des-proportions-humaines  et le je-rentre-plus-dans-mon-Mayo, mais tu a résisté à toutes les privations. Le régime eau-yaourt 0%-eau ayant failli m'envoyer ad patres, j'ai finalement opté pour le sport. Rien que l'évocation du mot me donne en règle générale des sueurs froides et autres symptômes rappelant singulièrement l'AVC et pourtant j'ai héroïquement enfilé quelques tablettes de chocolat et accessoirement un joli training parme avec des bandes noires du plus bel effet sur le côté, et j'ai pédalé, sautillé, distendu et courbaturé tous les muscles de mon corps. Le résultat a été affligeant d'inefficacité et tu as laissé échapper un rire sarcastique éprouvant pour mes nerfs et mes capitons.
Après avoir tenté le bain moussant à l'acide sulfurique, le remodelage à la scie électrique, la vente en ligne sur eBay et le don à la recherche scientifique, j'ai enfin décidé d'adopter une solution nettement plus radicale: l'indifférence. Je vais enfin t'écraser de la puissance  de mon apathie, t'éliminer par le biais de ma nonchalance, te soumettre par la force de mon impassibilité. Nous vivrons désormais ensemble mais séparés, je ne te ferais plus ni morale, ni chantage, ni bouderies, ni reproches larmoyants. Je ne laisserais plus les magazines de pétasses me susurrer que tu es physiquement inadéquat.  Je vivrais désormais ma vie sans me laisser influencer par tes sournoises conspirations caloriques. Je laisserais s'infiltrer le long de mes neurones flattés les compliments de la gent masculine qui nourrit curieusement à ton égard une concupiscence inexplicable à mes yeux mais qui fait briller les leurs. Peut-être même un jour finirais-je par t'aimer.


1 commentaire:

Laissez-moi un peu de lecture pour quand je m'ennuie