13 juin 2011

Comment élever un ado sans finir en hôpital psychiatrique

J'élève un adolescent. Enfin deux, mais la sœur du héros de ces lignes est parfaite (cf. billet antérieur). Enfin j'élève est peut-être une allégation un peu présomptueuse. Donc j'héberge un adolescent. Mais pas n'importe quel ado. Le mien est la quintessence même de l'ado, tel qu'on peut en trouver une description à faire dresser les cheveux sur la tête dans tous les bon manuels de psychologie . Un qui suivrait "Le guide du parfait chieur" qu'ils se refilent sûrement sous le manteau. Il n'a négligé aucun chapitre. En pensant à lui, mon cœur se remplit d'amour. En le voyant agir, mon cœur se remplit de fureur. Je suis une mère bipolaire

Il était si mignon quand il est né. Il était rond et blond, avec de petits yeux pétillants qui auraient dû me laisser présager le pire. Mais j'étais encore jeune, et je ne me doutais de rien. Je fondais devant son sourire angélique. Comme j'avais des prétentions pédagogiques, je fis acquisition de quasiment tous les livres ayant un rapport plus ou moins lointain avec l'éducation et me mis à lire avidement. Je suis une mère méthodique

J'appliquai une partie des recettes pédo-psycho-éducativo-transcendentales. Apparemment pas les bons chapitres. Je fis des puzzles. Je lui racontai tous les soirs une histoire avant le coucher. Je pardonnai les infidélités de son père. La famille avant tout, c'est ce qu'on m'avait appris. Je suis une mère persévérante


Quand je finis par comprendre que la limite de ce que je pouvais endurer avait depuis longtemps été dépassée, je me séparais du père de mon fils, à qui j'expliquais, tout bien comme il était écrit dans mes chers livres, que cela n'était pas de sa faute, et que nous l'aimerions toujours, et que parfois dans la vie ce qui compte, plus que la cohésion familiale, c'est d'être entier et honnête avec soi-même et de ne pas craindre les changements de route, surtout si on ne croit plus à celle qui était la notre. Personne n'était coupable, c'était juste un de ces moments difficiles à passer, mais tout irait bien, puisque, comme disait Nietzsche, ce qui ne nous tue pas nous renforce. Je suis une mère existentialiste.

Mes discours optimistes et apaisants ne lui firent absolument aucun effet et afin de me remercier pour ces années de dévouement et d'abnégation, il s'empressa de me permettre de venir le récupérer au poste de police, où il était interrogé pour une sombre histoire d'usage de substances prohibées et nuisibles à sa santé. Sûrement de l'eau de javel. Ou du détartrant. Je suis une mère en déni.

A l'école, il s'ennuyait terriblement. Il transformait les rares cours auxquels il assistait en une sorte de mashup entre un cirque et un zoo. Ses professeurs, à bout de ressources, m'invitèrent à une pompeuse réunion où ils m'expliquèrent que mon cher délinquant avait des problèmes de concentration et qu'il serait tout à fait indiqué de lui administrer quelques psychotropes. Réjouie par l'idée, je leur proposai de passer directement à la cocaïne, qui à mon avis, lui ferait le plus grand bien. Ils ne goûtèrent point mes railleries et prirent un air entendu qui montrait qu'ils avaient enfin compris pourquoi ce pauvre enfant avait tant de problèmes: sa mère était folle. J'étais régulièrement convoquée et j'allais de colloques en symposiums et autres commissions de discipline. Il changeait d'école chaque année, je remplissais docilement des formulaires. Je suis une mère administrative


Rien n'y fit. J'envisageai le suicide. A mes sermons, il répondait par des hurlements et insultes mettant en cause le métier de ma mère, qui n'a pourtant jamais fait le trottoir. Il jeta quelques objets contondants à travers les pièces et claqua violement quelques portes. J'envisageai le meurtre. Je suis une mère colérique

Un jour il eut 16 ans. Il se choisit une pension. Un endroit idyllique au milieu du désert, au point le plus bas de la planète, entouré de falaises rouges et éclairé par le reflet du soleil sur une mer immobile et lisse. Il y trouva des proches qui lui ressemblaient, d'autres ados doués, différents et en colère. Dans cet environnement pastoral et loin du monde, il devint étrangement calme. Il commença par communier avec la nature. Puis avec lui-même. Il se mit à lire, à écrire, à peindre, à photographier, à regarder passer les nuages. Il se mit à étudier. Pour la première fois depuis la maternelle. Quand il termina sa scolarité et qu'il rentra au bercail, je repensai soudain au petit garçon aux boucles blondes, et je trouvai qu'il lui ressemblait.

Je peux enfin l'aimer avec sérénité. La tempête est passée. Ce qu'il faut avec les adolescents, c'est peut-être apprendre à retenir sa respiration. Comme à un accouchement. Expirer, inspirer, sans panique. C'est difficile d'apprendre à respirer. Cela devrait être naturel. Mais ça ne l'est pas. Apprendre à attendre. Apprendre à aimer. Il y aura d'autres tempêtes. Mais maintenant, j'ai un parapluie. Je suis une mère prévoyante.

13 commentaires:

  1. wahh ! magnifique texte ! qui redonne de l'espoir en plus :-) mon fils aborde aussi cet âge, je retiens l'idée de la pension au fond du désert ...pour moi :-)

    RépondreSupprimer
  2. Très beau texte! et je vais t'avouer un truc [ tin din - suspense ] , j'ai eu, j'ai & j'aurais les mêmes à la maison!

    On dirait qu'il y a un modèle unique chez les ados : des casses couillleeeeees ;)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour je vous réponds et vous confirme il y a bien un modèle unique le modèle cassescouilleeeeees,il faudrait casser le moule.

      Supprimer
  3. Ouiiin, je te veux comme maman. T'es + rigolote toi !

    RépondreSupprimer
  4. iboux: si ca te donne un peu d'espoir, c'est deja ca. Quand on a epuise toutes nos idees pedagogiques, il ne reste plus qu'a esperer...

    ThierryRegis: si seulement on savait ou est le moule pour y mettre le feu

    Michael Ange: Les CV de candidature + lettres de motivation seront etudies avec le plus grand serieux puis brules

    RépondreSupprimer
  5. Excellent. Pour les miens, j'ai prévu un enclos, un collier électrique et un peu de pain pour les cinq années d'adolescence à venir.

    De toute façon, comme dit le Dr Fitzhugh Dodson, tout se joue avant six ans. alors après, on peut les foutre à la porte, ils ne servent plus à rien.

    RépondreSupprimer
  6. T'es une mère choupette ! Qu'on se le dise !

    RépondreSupprimer
  7. "M'sieur, vous êtes rigolo, mais on comprend rien quan même; mais bon, avec les autres, c'est souvent pire grave, car ça rigole pas et con comprend encore moins!"

    En tant qu'enseignangnant mathémagique et physichien, les ados lassants, ça me connaît et c'est souvent en enseigeignant avec une tentative désepérée de faire l'humour avec eux, sans leur faire la moue, tout en les respectant et en sachant se faire respecter, qu'il est possible, parfois, de les voir s'intéresser, l'espace d'un instant fugace, à autre chose qu'à leurs nombrils, qu'ils ont fort joli, du moins certaines d'entre elles, par ailleurs!
    Vivement la retraite anticipée que je puisse battre en retraite...

    RépondreSupprimer
  8. "M'sieur, vous êtes rigolo, mais on comprend rien quand même; mais bon, avec les autres, c'est souvent pire grave, car ça rigole pas et con comprend encore moins!"

    En tant qu'enseignangnant mathémagique et physichien, les ados lassants, ça me connaît et c'est souvent en enseigeignant avec une tentative désepérée de faire l'humour avec eux, sans leur faire la moue, tout en les respectant et en sachant se faire respecter, qu'il est possible, parfois, de les voir s'intéresser, l'espace d'un instant fugace, à autre chose qu'à leurs nombrils, qu'ils ont fort jolis, par ailleurs, du moins certaines d'entre elles, à mes yeux!
    Vivement la retraite anticipée grâce au loto que je puisse battre en retraite dorée...

    RépondreSupprimer
  9. Bon, je l'écris une troisième fois, ma foi, histoire de corriger mes vil'haines fôtes d'orthograves (merci au "boss" d'effacer les deux premières, ne même temps que ce message d'introduction...)!

    "M'sieur, vous êtes rigolo, mais on comprend rien quand même; mais bon, avec les autres, c'est souvent pire grave, car ça rigole pas et con comprend encore moins!"

    En tant qu'enseignangnant mathémagique et physichien, les ados lassants, ça me connaît et c'est souvent en enseigeignant avec une tentative désespérée et désespérante de faire l'humour avec eux, sans leur faire la moue, tout en les respectant et en sachant se faire respecter, qu'il est possible, parfois, de les voir s'intéresser, l'espace d'un instant fugace, à autre chose qu'à leurs nombrils, qu'ils ont fort jolis, par ailleurs, du moins certaines d'entre elles, à mes yeux!
    Vivement la retraite anticipée grâce au loto que je puisse battre en retraite dorée...

    RépondreSupprimer
  10. l'ado c'est ingras egoiste radin sale con enfin toute la décadence de l'être humain réuni dans l'ado.
    C'est un age qui ne devrait pas exister.

    RépondreSupprimer
  11. Si on eduquerai les enfant comme on eduquerai un étalon trait ardennais,on aurai plus la notions du non-respect.on fixe les bases fermement, et on ne les lâche pas. Même si ils sont mignion au début, il ne faut jamais perdre de vue ce qu'il POURRAI devenir , une fois adulte, si les règle ne sont pas fixé et maintenu. Et ils testeront toujours pour savoir ou est leur place.Et surtout, ne jamais perdre de vue que la violence ne résous rien. Au contraire.Qu'ils fasse 1 tonnes ou 70 kg.

    RépondreSupprimer
  12. J eleve des jumeaux, ados, seules depuis 7 ans et votre texte est une lueur d espoir d un meilleur avenir. Ayant un modele parfait a l ecole et peste a la maison et son jumeau l inverse...je dois etre bipolaire aussi...quand je pense a eux je fond d amour mais leurs adolescences me rendra folle.
    Courage à tous
    Ness

    RépondreSupprimer

Laissez-moi un peu de lecture pour quand je m'ennuie